vendredi, octobre 06, 2006

ICI + critiques de cinéma


Han ! Le ICI a publié une lettre que je leur ai envoyé la semaine passée, en réaction à un texte de François Avard. Elle a été coupée, bien entendu (comme a dit Mark Twain : désolé, je n'avais pas le temps d'en écrire une plus courte). En voici le texte intégral (-1 faute de frappe) :

Bonjour,

François Avard : "Ah ! Alors, si votre enfant ne voit jamais la vaisselle sale, s'il n'aime pas lire ou s'il préfère les bd aux romans, si ses yeux regardent surtout TQS, consultez un optométriste."

Comme ça, selon m. Avard, la bande dessinée serait lue par ceux et celles qui ont des yeux paresseux (et serait l'équivalent littéraire de TQS). Ah bon. Dire que j'ai passé ma vie à aiguiser mon regard pour mieux savoir la lire, et que je considère qu'il me reste beaucoup de chemin à faire encore. J'ose à peine imaginer la gravité de la narcolepsie dont souffrent mes yeux.

J'écoute assez peu de télé, sa structure temporelle hebdomadaire me sied très mal, et le peu d'exemples ragoûtant que j'en connais ne me donnent pas envie d'y consacrer plus de temps. Mais c'est un medium, parfois très bien, parfois très mal utilisé, comme tous les autres, un simple canal par lequel passent potentiellement les idées, je ne serais jamais assez stupide pour tout mettre dans le même sac et déclarer que la télé n'est appréciée que par des sots. En faisant ça, tout ce que je démontrerais, c'est l'ampleur de mon IGNORANCE.

C'est peut-être un bout de phrase innocent, qui sied bien au ton indignation provoc'© du reste du texte (je n'ai rien contre l'indignation, qui est un des moteurs créatifs les plus importants, mais ce genre de texte démontre bien que ça peut devenir un produit comme les autres, c'est pas grave, je comprends, j'ai aussi écrit à la va-vite pour respecter des échéances par le passé), mais si m. Avard est appellé à devenir chroniqueur littéraire dans votre journal revampé (pour le meilleur et pour le pire), j'espère qu'il saura réviser cette position. Ce bout de phrase n'est certainement pas moins ingénu, inconséquent et beauf que le "Votre enfant est-il sensible aux fortes luminosités ?" qui provoque tant d'émoi chez m.Avard.

Jimmy, auteur, éditeur, prof., ex-libraire et ex-critique de bande dessinée

P.S.: Le prochain critique de cinéma qui nous fait le coup de dire qu'un mauvais film "fait BD", je serai pas aussi gentil.

Précison du ICI : "François Avard n'est pas chroniqueur littéraire, mais chroniqueur tout court." J'ai été mal informé. Désolé. Personne n'est à l'abri du parlage à travers son chapeau, il faut juste savoir le reconnaître.

Je me sens dans une période de ma vie assez peace, pourtant. C'est juste qu'on en avait parlé le vendredi précédent, lors d'une table ronde à St-Lambert, dans le cadre d'une activité de la librairie Le fureteur, avec Alexandra Oakley, Michel Viau, François Mayeux et Éric Thériault. On se plaignait encore de l'image d'arriérés mentaux que les critiques de cinéma essayaient de nous donner. (ex. : D'une part, on a dit sur "The league of extraordinary gentlemen : C'est de la merde, pas étonnant, c'est tiré dune bande dessinée", alors que c'est la blockbusterisation du livre qui a rendu ce film si mauvais et si philosophiquement louche, d'autre part, lorsque les critiques se sont montrées élogieuses face aux Ghost World de Terry Zwigoff, personne (sauf Rupert au Mirror) n'a mentionné qu'il s'agissait de l'adaptation d'une bande dessinée (on lisait souvent que c'était adapté d'un roman de Dan Clowes). Idem pour V for vendetta, dont on a baptisé le matériel source : Roman iconographique (quoi qu'ici, il s'agit probablement plus d'une mauvaise traduction de communiqué de presse et de paresse de journaliste qui le copient et le collent que de véritable agression contre le médium). Ça, et la manie --même : le TIC (ou le syntagme figé, comme dirait Fabrice Neaud)-- qu'ont ces critiques de dire, à chaque fois qu'un film est exagérément burlesque, artificiel, caricatural et surcoloré : ça fait BD.) Et comme j'haïs me plaindre dans le vide (quoi qu'on puisse déduire par mes livres), j'ai eu envie de réagir à ce nouveau coup de poignard (dommage... il ne venait pas d'un critique de cinéma). Ce n'est certainement pas la pire chose qu'on a dite sur la bande dessinée, mais c'est un peu la goutte qui a fait déborder le vase. Et je vais désormais le faire à chaque fois que je pourrai, et je vous invite à faire de même. L'important, c'est de ne pas se mettre dans la position du lépreux qui s'adresse à la cour des rois. Avant, en réponses à ces bavures, je voulais dire aux critiques de cinéma sur un ton suppliant : "mais arrêtez de dire ça, il y a des choses formidables en bande dessinée...", aujourd'hui, j'ai changé de position. C'est la guerre. Lorsqu'un critique a cette attitude, désormais, il perd toute crédibilité à mes yeux. Par exemple, lorsqu'il a fait un commentaire du genre, j'ai barré de ma liste blanche Georges Privet, que je tenais pourtant en très, très haute estime. C'est désormais une faute grave et très difficilement pardonnable. En 2000, ça passait encore, la masse critique de bons livres disponibles de bandes dessinée québécoise n'était pas encore atteinte, mais rendu en 2006, se vautrer dans l'ignorance à ce point-là, ça porte un nom (en fait, plusieurs, mais choisissons-en un) : BEAUF.

J