mardi, octobre 24, 2006

CHALEUR.


J'émerge un peu de l'état comateux dans lequel le Rendez-Vous de Gatineau m'a laissé. C'était comment ? Comment dire... c'était merveilleux ! J'ai un peu de mal à en parler, comme quand on revient tout juste d'un voyage vraiment intense et qu'on nous demande de le raconter alors qu'on est un peu dans les vapes, mais je vais essayer. C'était un vrai festival de rêve.

Tout d'abord, ce festival, dans sa nouvelle formule et sous la direction on-ne-peut-plus adroite de Stéphanie Éthier et de son équipe, sait mélanger harmonieusement la chèvre et le chou. Les auteurs classiques, Jean-Claude Fournier et Derib, font partie des plus intéressants de leur génération, et ça adonnait qu'ils étaient absolument charmants et ouverts d'esprit. Et la présence d'auteurs d'avant-garde comme Tehri Ekebom et Stefano Ricci donne aux auteurs d'ici l'occasion d'avoir des échanges concrets et constructifs puisqu'ils partagent les mêmes réalités et surtout des recherches esthétiques similaires. Les portes sont d'ailleurs ouvertes vers de possibles projets de collaborations. La très grande majorité de ce qui est publié au Québec s'inscrit dans des courants modernes, il serait donc absurde de continuer à faire des festivals qui ignorent ces courants. L'avant-garde a toujours été très forte au Québec. Qu'on pense aux travaux de Benoît Joly, de Danny Gagnon, du groupe Chiendent ou du mouvement underground-toner des années '90, il y a toujours eu des défricheurs qui voulaient explorer des nouveaux territoires du medium. Il serait donc un peu absurde, en 2006, d'avoir des festivals qui ne célèbrent que la tradition, niant ainsi la vitalité des spéacialités locales. Un festival a la responsabilité d'être une vitrine sur un langage. Gatineau, cette année, s'est admirablement acquitté de cette tâche. Comme on ne demande à aucun festival de film, théâtre, danse, littérature, de mettre constamment de l'avant (respectivement) les blockbusters américains (ou Charlie Chaplin, si je veux pas avoir l'air condescendant), le théâtre d'été, la danse sociale, les romans Harlequin, Danielle Steele ou la Comtesse de Ségur, il serait navrant de demander à la bande dessinée de toujours garder en figure de proue ses reporters à houpette, ses Gaulois moustachus et à gros nez, ou ses multimiliardaires machistes à la gueule carrée (je précise que j'ai beaucoup de respect pour deux de mes trois exemples). Heureusement, à l'instar de Thomas-Louis Côté, du festival de Québec, Stéphanie Éthier a bien compris ça, et vise une heureuse cohabitation entre les écoles : OUF !

Je ne peux que louanger les partis-pris graphiques empruntés dans l'approche promotionnelle de l'évènement. Que ce soit au niveau du programme ou de la pub télé, nous n'étions pas humiliés par des montages de merde avec nos têtes dans des phylactères, et notre travail n'était pas bédégradé comme il l'est souvent par des graphistes en mal de se faire remarquer pour leurs idées bédéfofolles. Pas de typo comic sans MS (argh !) nulle part ! MERCI ! Pour le programme : BRAVO CHRISTIAN, tu as fait une maudite bonne jobbe ! En plus, c'était assez cool de voir mon dessin d'affiche sur les autobus de la ville. Heille ! WOW !

Appeller "cadre enchanteur" le nouveau site du festival serait un euphémisme. La disposition des stands et de la scène donnait un esprit agréablement cocon. Le musée est ample, on respire bien. L'accès à la grande salle de concert, ça tient du miracle. Le conte à bulle qui a eu lieu dans cette salle était vraiment un moment fort du festival. Mille bravos à Danièle Vallée, Christian Quesnel, et aux musiciens, qui m'ont épaté et ému. Et comment décrire la sensation de béatitude lorsqu'on a pris une marche autour du musée, le samedi après-midi, au plein soleil d'automne, sur les rives du canal Rideau, avec les arbres tout multicolores et vue sur la jolie bibliothèque du Parlement... Ça fait peut-être carte postale, mais en général, ce qui est devenu un cliché est au départ très beau. Somme toute, ça a VRAIMENT fait du bien de ne pas se sentir à la foire commerciale, mais dans une manifestiation culturelle. Ça n'a pas empêché le public de venir, puisque le samedi et le dimanche, la fréquentation était vraiment aussi dense que possible dans les limites physiques du lieu. Surtout que les ventes n'ont apparamment pas été moins bonnes que les autres années dans le centre d'achats (yes !). Le libraire (il s'agit ici d'une équipe de VRAIS libraires, et pas de tristes commis-vendeurs) m'a même dit que Mécanique générale avait été de loin (je cite) le meilleur vendeur du festival (yesssir !). Nous avons manqué de Rellignes dès dimanche matin (bravo ma chère Iris ! Et désolé de ne pas avoir envoyé un million d'exemplaires pour répondre à la demande). Alors si ça ne prouve pas à quel point se fourrent le doigt dans l'oeil jusqu'à l'épaule ceux qui voient la bande dessinée d'auteur comme un truc invendable, et qui voient le promotion de celle-ci comme un obstacle au bon succès d'un évènement, je sais pas c'que ça va prendre ! Il est assez grisant de pouvoir prouver aux fanatiques de la tradition, de la prudence et du commerce, sur leur propre terrain (les ventes), la pertinence d'une cohabitation équilibrée.

De plus, la réputation de ce festival, comme quoi il serait particulièrement accueillant, est extrêmement justifiée. MERCI !!!!!!!!!!!!!!

Comme toujours, c'était vraiment formidable de côtoyer pendant quelques jours les confrères du métier. Je l'ai dit et je le répète : il y a du bon monde dans ce milieu-là. Les gars de Premières lignes, qui sont faits tout en coeur et en alcool, les gens de l'École Multidisciplinaire de l'Image (éleves et profs), les collègues auteurs, les lectrices et lecteurs, fidèles ou nouveaux, la belle gang de Collection Québec, celle qui est descendu de Montréal et de Longueil, et bien sûr celle du Salon du Livre de l'Outaousis. Come on ! C'était-tu assez l'fun ?!!?

je voudrais adresser mes plus chaleureux remerciements et mes plus sincères félicitations à Stéphanie et à sa fabuleuse équipe. Malgré l'adversité cruelle que vous avez rencontré en montant ce labour of love, c'est à mes yeux le succès le plus retentissant qu'on pouvait imaginer. Ça prenait du culot et de l'aplomb. Pari réussi.

Par contre, il fallait s'y attendre, je suis malade, aujourd'hui. Alors je vous quitte pour aller m'ensevelir sous une tonne de couvertures et de coussins et regarder des films idiots avec une boîte de Kleenex à proximité.

À bientôt,

bises,

Jimmy (atchoum !)

P.S. : En passant, il y a une entrevue avec moi sur BEDEKA, qui complète ce post-mortem du festival de Gatineau.